BIVOUAC : LES CLES DE LA REUSSITE

Réveil de bivouac dans le Beaufortain – crédits photos : Simon Pouyet

VOUS SOUHAITEZ PARTIR EN ITINERANCE ?
FAIRE L’EXPERIENCE DU BIVOUAC EN MONTAGNE ? 

Dans cet article, je vous donne quelques clés pour une aventure réussie. Ce sont des conseils basés sur mon expérience de l’itinérance (2 mois sur la traversée des Pyrénées, 5 mois sur la Via Alpina notamment) et sur mon travail d’accompagnateur en montagne, que j’exerce depuis 5 ans, et qui comprend de l’encadrement de séjours itinérants sous tente et de la formation à l’autonomie.

Loin d’être une recette magique, je vous propose un processus personnel que j’applique encore et qui fonctionne pour moi. Prenez ce qui vous est utile !

Je suis d’avis que « réussir un bivouac » veut dire bien plus que de simplement être satisfait d’un joli paysage, de profiter d’une belle soirée, d’observer des animaux sauvages ou d’être touché par un coucher de soleil.

Réussir son bivouac veut aussi dire limiter son empreinte sur milieu (animaux sauvages, flore, rivières…), entretenir de bonnes relations avec les autres acteurs du terrain (alpagiste, gardiens de refuges, bergers, randonneurs…) et bien récupérer physiquement pour repartir de bon pied le lendemain.

Depuis 3 ans, l’affluence est particulièrement forte en montagne et la pratique du bivouac a également fortement augmenté.

J’ai envie de dire à tous les nouveaux : Bienvenue en montagne !
J’ai envie de leur dire : aidez-moi à préserver ce milieu qui est si unique pour que nos enfants, vos enfants et petits enfants puissent encore profiter de ce havre de paix à deux pas de chez nous et que les animaux qui y vivent puissent continuer à vivre dans une certaine sérénité.

C’est aussi l’enjeu et l’élan qui m’a décidé à écrire cet article bien touffu !

1- LE CHOIX DU LIEU

Choix d’itinéraire et évaluation des zones de bivouac dans le Beaufortain – crédits photos : Simon Pouyet

S’informer (Connaître la réglementation)

Avant de partir, il est indispensable de bien s’informer sur la réglementation en vigueur dans la zone choisie.
Celle-ci est en général assez clair dans les parcs nationaux et certains parcs naturels régionaux, mais l’est beaucoup moins dans d’autres zones de montagne qui sont privées.
En France, nous avons la chance de bénéficier d’une grande tolérance en montagne mais cela est en train d’évoluer avec l’affluence de nombreux bivouaqueurs.
Ne pas hésiter à contacter l’office du tourisme local ou le bureau des accompagnateurs en montagne pour des infos détaillées.

Pour les zones sans réglementation précise, les horaires classiques « admis » du bivouac sont de 19h à 9h. Ces horaires permettent de respecter l’aspect sauvage et vierge de la montagne (et de ne pas la transformer en zone de camping). Ces horaires sont toujours adaptables en fonction de la météo ! (N’hésitez pas à monter votre campement à 18h si un orage arrive.).

Exemples de zones avec réglementation spécifique :

  • Parc national de la Vanoise :  bivouacs uniquement autorisés dans des zones bien définies à proximité de certains refuges
  • Parc National des Ecrins : bivouac autorisé à 1h de marche au moins d’un accès motorisé pour des petites tentes de 19h à 9h.
  • Réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors : bivouac autorisé de 17h à 9h.


réglementation dans le parc national des Ecrins – crédits photos : Parc National des Ecrins

Anticiper les lieux propices sur une carte IGN

Sur une itinérance courte (2-3 jours), il est possible de préparer, à l’avance, sur carte, les zones potentielles de bivouac. Sur des randonnées plus longues où il y a plus d’aléas, je conseille de faire un point carte à la mi-journée.

Un lieu propice est avant tout un lieu confortable et sécure. L’aspect esthétique (vue, panorama, coucher de soleil) ne peut être apprécié à sa juste valeur que si ces conditions sont remplies.

Comment repérer ces lieux propices sur une carte IGN ?

  • Zones « plates », on les reconnaît par des lignes de niveau bien écartées sur la carte

  • Une source d’eau à proximité est un grand bonus. Les sources sont symbolisées par un cercle bleu (avec souvent l’indication source). A défaut, une rivière ou un torrent peuvent fonctionner à condition de filtrer l’eau ou de la purifier. Attention, certaines sources peuvent être taries. Il en va de même pour les rivières (surtout les rivières en pointillés sur les carte IGN, qui sont intermittentes).
  • Orientez-vous bien par rapport à un vent fort : regardez sur la carte les zones abritées en repérant le relief. En montagne, le vent peut vite devenir un handicap au bivouac, car il amplifie la sensation de froid (effet Windchill). Par exemple, à 5°C avec un vent de 40 km/h, la température ressentie sera de -1°C !
    Si vous n’y avez pas pensé, votre soirée en extérieure risque d’être compromise : on rentre se réchauffer dans la tente… et on loupe une bonne partie du spectacle merveilleux de la montagne. C’est bien dommage…
  • Orientez-vous par rapport au soleil (pour les + experts) .
    Selon les conditions, on voudra avoir plus de soleil le soir (pour sécher par exemple) ou le matin (pour se réchauffer rapidement et repartir tôt.. ). Des applications fonctionnant hors ligne, tels que Sun Locator / Exsate Golden Hour, vous aident à savoir assez précisément la position du soleil en fonction de la vôtre et du jour de l’année (les variations sont très fortes). Vous pouvez ensuite reporter ces azimuts (l’angle entre le nord et la direction du soleil) sur la carte pour vérifier si aucun obstacle (relief) ne va venir bloquer les rayons. Avec Sunlocator, vous pourrez même utiliser votre caméra et voir la course du soleil dans le ciel (si votre smartphone est bien calibré).
    C’est aussi un élément intéressant pour l’esthétique du bivouac et la photographie ! Avec un peu de chance, vous pourrez trouver un lieu qui permette de jouir du lever ET du coucher de soleil. Il ne restera plus qu’à savourer.

  • Prendre en considération l’altitude de la zone. Plus on monte, plus il fera « frais » … redescendre un peu permet de gagner de précieux degrés. Pensez-y si votre matériel est un peu limite ou qu’il fait très froid.

Quels sont les lieux à éliminer ?

  • Les cols assez serrés : le vent s’accélère dans ces zones par l’effet Venturi (20 km/h dans le vallon peuvent devenir 70 km/h au col). Même si le vent ne souffle pas au moment du bivouac, il se peut qu’il souffle fort pendant la nuit (j’ai des souvenirs marquants !).
  • Les dépressions marquées ou les combes (l’air froid va s’accumuler dans ces zones à la nuit tombée, c’est ce qu’on appelle la brise descendante)
  • Les points hauts désertiques s’il y a des risques d’orages
  • Les zones d’accumulation d’eau de pluie (difficiles à repérer facilement sur une carte).
  • Les zones à proximité directe d’un lac car les berges sont très sensibles au piétinement.
  • Les lieux en pente ! (et ça représente une grande partie des montagnes… )

Choix définitif du lieu sur le terrain

En arrivant sur la zone anticipée, on peut avoir quelques surprises (la belle clairière que vous imaginiez est en fait pleine de rhododendrons ou un troupeau de vaches est en train d’y paître).

Les réflexes à avoir :

– Si vous êtes sur un alpage et que vous voyez le berger, demandez-lui la zone la plus adaptée pour ne pas déranger les bêtes. De même, si vous souhaitez vous mettre à proximité d’un refuge, allez voir le gardien qui vous indiquera le spot le plus approprié.

Ensuite vérifiez que la zone est exempte de risques de :

  • Chutes de pierres (regardez au-dessus de vous !),
  • Accumulations de pluie (cuvette) ou proximité directe des torrents / ruisseaux,

Pour cela, imaginez l’écoulement sur les pentes alentour en cas de pluies fortes (mettez-vous à la place des gouttes d’eau et glissez sur les flancs de montagne),

  • Vent trop fort (y a t-il un rocher pour vous abriter ?),
  • Chutes d’arbres morts (pour les bivouacs en forêt) – observez au-dessus de vous et faites un petit tour autour de votre zone !

Et bien sûr, il faut essayer de trouver l’endroit le plus plat ! On a tendance à pas mal glisser sur un matelas gonflable et la récupération n’est pas la même si on bouge toute la nuit. La partie bombée vers le haut d’une zone est en général le bon spot. (on pourra toujours mettre des affaires sous le matelas pour compenser une pente légère).

Un conseil pratique supplémentaire 

Ne pas hésiter à poser le sac en arrivant sur la zone pour explorer le lieu le plus idéal et le plus esthétique. Vous passerez probablement les 10 à 15 prochaines heures à cet endroit. Ça vaut le coup de prendre quelques minutes pour choisir votre lieu.
Bien sûr, les endroits parfaits n’existent pas et il faut garder une certaine lucidité et faire des compromis, trouver un équilibre entre la fatigue accumulée et la qualité du lieu (je me mets souvent une limite de temps pour trouver car cette recherche peut devenir longue).

Il faut avoir en tête que tous les bivouacs ne sont pas fantastiques ! Il m’est arrivé de dormir près d’un terrain de foot, dans le virage d’une piste de montagne, dans des abris délabrés, dans de grosses pentes…).


Bivouac près d’un oratoire (je cherchais une chapelle..) – crédits photos : Matthieu

2- LA LOGISTIQUE DU BIVOUAC

Démontage de tente dans le Beaufortain – crédits photos : Simon Pouyet

Il ne faut pas sous-estimer l’énergie nécessaire aux différentes opérations lorsque le spot de bivouac a été choisi !

Il reste encore à  :

  • Monter la tente / gonfler les matelas …
  • Chercher de l’eau et éventuellement la purifier
  • Faire quelques étirements / soins du corps et en particulier des pieds (facultatifs mais très conseillés)
  • Se laver & faire ses commissions / Faire sa lessive
  • Se changer / préparer les affaires du soir (frontales, affaires chaudes etc…)
  • Préparer le repas
  • Faire la vaisselle

Si vous êtes plusieurs, vous pouvez vous répartir les tâches, ce qui laisse un peu plus de temps à la rêverie ! Si vous êtes seul, prévoyez de la marge pour pouvoir avoir un temps « de rien », dans lequel vous pourrez être vraiment là, sans faire quoi que ce soit.

Astuces pour le montage des tentes

Tentes avec arceaux

Bien vérifier qu’il n’y a pas de petits espaces entre les arceaux (ça arrive parfois à cause de poussières ou d’impuretés et ça crée une surtension qui fend l’arceau)


Arceaux DAC de la tente MSR fissuré à la première utilisation suite à un espace entre les arceaux – crédits photos : Matthieu Chambaud

Orientation des tentes

La géométrie des tentes nécessite la plupart du temps une bonne orientation au vent.
Le plus long côté est en général à orienter dans l’axe du vent pour une moindre prise au vent des matériaux. Ne pas se fier aux vents temporaires que l’on peut avoir quand on arrive au bivouac et encore moins à la direction donnée par la météo. En montagne, le relief modifie la direction des vents, le plus logique est d’orienter la tente dans l’axe du vallon dans lequel on est.

Vérification du sol

Avant de mettre les matelas (souvent gonflables), passer votre main sur le sol de l’intérieur de la tente pour vérifier qu’il n’y a aucun élément pointu (pommes de pins, caillou). S’il est impossible de retirer l’élément, protéger le matelas en mettant des vêtements, des sacs étanches…
Si vous avez mis un footprint (bâche de protection sous la tente), veillez à bien vérifier qu’il ne dépasse pas du sol de la tente (auquel cas une petite piscine peut se former s’il pleut).

Haubanage

Ne pas hésiter à haubaner les tentes au maximum (tendre toutes les cordelettes autour de la tente). Cette opération étant plus délicate au milieu d’un orage et sous de grosses rafales de vent (expérience vécue).

En cas de pluie, la plupart des toiles de tente vont se détendre de 1 à 2% (propriété du nylon utilisé pour la plupart des tentes du marché). Il est recommandé de retendre ces haubans après la pluie pour éviter que les deux parois se touchent (en cas de vent). Cela compromettrait l’étanchéité de la tente.

Les sardines

Prenez soin de bien enfoncer les sardines (et avec un angle de 45° idéalement). S’il est impossible de planter, soyez créatifs ! Utiliser des grosses pierres pour attacher votre tente (c’est toujours bien d’avoir un peu de cordelette en plus).
Les sardines fournies avec les tentes sont souvent de piètre qualité et se tordent rapidement. Je conseille de rajouter dans votre panoplie des sardines en aluminium en forme de croix (type MSR groundhog). Ça dure dans le temps et ça marche assez bien dans les sols difficiles de montagne.

Le mur de pierres

En cas de gros vent, et si l’on a le temps, on peut construire un mur de pierres pour éviter au vent de s’engouffrer par le bas de la tente (refroidissement par phénomène de convection). Ce phénomène peut vite faire chuter la température et rendre la nuit difficile !

Le sac de couchage

Si vous avez un sac de couchage en plumes, par expérience, je préconise de le sortir à la dernière minute pour éviter des accidents entre le moment de l’installation et le moment du coucher.
(Bouteille renversée, camelbag percé, porte laissée ouverte pour voir le coucher de soleil et condensation qui se dépose sur le duvet).
Sur le papier, c’est mieux de le sortir avant pour qu’il reprenne le maximum de son gonflant (mais dans ce cas, ne l’oubliez pas et prenez soin de lui jusqu’à votre dodo !).

Chercher de l’eau et la purifier

Je conseille d’apporter des contenants souples (type Platiplus ou Hydrapak), en plus de votre système d’hydratation classique (bouteille ou camelbag) afin de pouvoir faire le plein d’eau en une seule fois le soir. Un verre / un sac congélation peuvent parfois être pratiques pour récupérer l’eau !


Ravitaillement en eau dans le Vercors- crédits photos : Matthieu Chambaud

Si l’eau vient d’une source / fontaine, il n’est en général pas nécessaire de filtrer / purifier l’eau.
Si l’eau provient d’une rivière ou d’un torrent, il faut d’abord rendre l’eau claire. C’est rarement un problème en montagne car on a rarement beaucoup de particules en suspension. Mais, si elle est trouble, utilisez un mouchoir en papier, un filtre à café, un foulard ou laisser décanter.

Il faut ensuite traiter l’eau. De nombreuses méthodes sont valables : ébullition, traitement chimique (chlore MicroPur), filtre, traitement UV.

Tableau de comparaison des différents types de traitement de l’eau – adaptation par Matthieu Chambaud

Mon choix s’est arrêté sur les filtres 0.1 micron avec en secours quelques pastilles de micropur (le filtre peut ne plus fonctionner ou que je l’égare : c’est du vécu !). Pensez à choisir les bouteilles souples adaptées à votre filtre (goulot large ou fin selon les filtres).

C’est la solution qui me semble la plus économique, légère et tout en me permettant de boire de l’eau qui n’a pas le goût de chlore. Sur le marché, petite préférence pour le filtre « Befree » de Katadyn pour son grand débit et son nettoyage facile (rincer dans rivière suffit), il s’adapte bien avec des gourdes souples de type Hydrapak.

Attention, on parle bien de traiter de l’eau de montagne !
Dans les vallées, il y a d’autres types de pollutions des eaux qui ne peuvent pas être traités par ces simples filtres (métaux lourds, hydrocarbures, pesticides…)


Filtrage de l’eau avec un filtre 0.1 micron (type Sawyer) – crédits photos : Matthieu Chambaud

Faire ses besoins et se laver

Les milieux humides sont très fragiles de manière générale. En montagne, c’est encore plus vrai, les rares organismes qui y vivent sont particulièrement sensibles à toute altération de la qualité de l’eau. Toute opération de lavage doit être fait en dehors des cours d’eau ou des lacs, et il faut faire en sorte que nos déjections ne viennent pas polluer ces eaux. Se baigner avec de la crème solaire sur la peau est également à éviter (pour ne pas souiller l’eau, il est nécessaire, au préalable de se laver).

Concrètement ça veut dire quoi ?

Se laver

Prélever de l’eau dans la rivière / lac avec une petite bassine pliable (ou dans une casserole) et faire sa toilette (j’utilise un petit gant) à au moins 70 pas du point d’eau, en faisant attention de ne pas être dans un couloir de ruissellement vers le point d’eau. L’objectif est que l’eau souillée soit filtrée par le sol et digérée.  On utilisera évidemment un savon le plus neutre possible (type savon de Marseille ou Alep). Ces savons bien que naturels, ne doivent pas être utilisés directement dans une rivière ou un lac (cela altérerait la composition de l’eau et agirait directement sur les micro-organismes présents).

Prendre sa douche en pleine nature avec une douche solaire (et avec vue !) – crédits vidéos : Matthieu Chambaud

Faire ses besoins

Pour tous les besoins (pipi / caca), on s’écartera également d’environ 70 pas du point d’eau, on creusera un trou d’une profondeur de 20 cm avec une petite pelle (j’utilise celle-ci qui fait 17g). C’est rarement possible en montagne mais on fait au mieux, on mélange avec la terre et on recouvre le tout ensuite. Evitez les zones de pierriers où il y a très peu de vie et où la dégradation sera longue (préférez les zonez arbustives ou profitez d’un passage plus bas, en forêt, où les bactéries sont en plus grand nombre).
La question du papier toilette divise, ce qui est sûr qu’il ne faut ni le laisser, ni l’enterrer. L’idéal est de le ramener dans un sac Ziploc ou dans un sac pour chien, l’ultime solution est d’utiliser une douchette ou simplement une bouteille d’eau puis de se laver les mains (c’est facile, écologique et économique…. Et puis plus de panne de PQ !).


Faire un trou avec une pelle : la clé – crédits photos : TheTentLab

Faire sa lessive

La lessive idem, on la fait en dehors des rivières à plus de 70 pas. J’utilise souvent un sac étanche dans lequel je mets un peu de savon, je secoue vigoureusement et laisse un peu au soleil puis rince le tout. Pour dire vrai, depuis que j’utilise la laine merinos pour mes T-shirt, chaussettes et caleçons, j’ai moins souvent besoin de laver mes affaires (et j’arrive à le faire plutôt en vallée, lors d’une pause au camping ou dans un endroit adapté). C’est peut-être ça la meilleure option !

3- UNE SOIREE DANS LE PLAISIR ET LE RESPECT


Ambiance tranquille au bivouac – réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors – crédits photos : Matthieu Chambaud

Ca y est, la plus grande partie de la logistique est gérée, il est temps de savourer un bon repas et d’appréciez les couleurs du ciel alors que la nuit tombe.

Vous viennent peut-être à l’esprit des envies tirées d’images iconiques de feu, avec de la musique et peut-être même quelques bières.
Je prends ma part de responsabilité dans cette association bivouac et feu en ayant inclus dans mon documentaire Via Alpina – L’Envers du Chemin quelques images de feu. Dans cette séquence sur la sobriété, l’aspect feu me paraissait adapté. C’était une erreur et un mauvais message (MEA CULPA).
Le + drôle est que c’est le seul feu que j’ai réalisé en extérieur pendant les 5 mois de tournage (en octobre, alors que j’étais malade et que les températures frolaient les 0°C).

Extrait du film documentaire Via Alpina – l’Envers du Chemin

Il est temps de mettre ces images sur PAUSE, d’être bien connecté au milieu fragile dans lequel vous êtes et de lire les conseils ci-dessous pour comprendre les enjeux qu’il y a en montagne !

Le feu

La ressource en bois en montagne est rare dès lors que l’on monte au-dessus de 1800 m.
Je considère donc que le feu en période estivale en montagne est un folklore qui n’a pas lieu d’être. Il est possible de supporter le froid avec un équipement adapté assez ordinaire.

Après un feu en montagne, le sol met beaucoup de temps à récupérer (plusieurs milliers d’années) et il me semble important de se rendre compte que la croissance des arbres est également beaucoup plus lente (une branche, c’est peut-être 3-4 ans !)

C’est toujours avec une grande tristesse que je vois la multiplication des foyers autour de spots de bivouacs ces dernières années (sur certaines zones, le nombre a décuplé). Petit à petit, il n’y aura plus d’herbe mais uniquement des zones noircies et des cendres (qui peuvent modifier le ph d’un lac). Je vois également de vieux pins à crochets ou des rhododendrons, qui ont lutté contre les éléments pendant des décennies dont les branches ont été sciés pour griller des chamallows et je me sens réellement triste.

Laissons la nature telle que nous l’avons trouvée (et tentons de panser les plaies que nos congénères ont pu causer par ignorance : faire un feu sur un foyer existant a aussi un impact !).

Au-delà de mes préconisations, le feu est souvent totalement interdit dans les parcs nationaux, réserves naturelles et des arrêtés préfectoraux sont aussi en vigueur, renseignez-vous !
Soyez conscients de votre empreinte. Le meilleur feu est celui que l’on n’allume pas...

A lire : interdiction du bivouac au lac Achard dans le massif de Belledonne par Montagnes Magazine
Pourquoi il ne faut pas faire de feu en montagne ? – Parc Naturel des Hauts de Chartreuse

Discrétion

En montagne, la tombée de la nuit et l’aube sont 2 moments clés pour une partie des animaux, en particulier bouquetins et chamois qui vont se nourrir.
Un maximum de discrétion est à respecter pour ne pas modifier leur comportement, conserver leur quiétude … et avoir la chance de pouvoir les observer à nouveau.

Oubliez les enceintes JBL et autres instruments de musique et profitez du silence. Il est tellement précieux. Parlez avec une voix légère, profitez du murmure, on s’entend bien en chuchotant en montagne et cette douceur est quelque chose d’inestimable dans notre monde bruyant.

Distanciation des animaux


Observation discrète de bouquetins dans le Beaufortain – crédits photos : Matthieu Chambaud

Si vous faites une balade nocturne et que vous apercevez de la faune sauvage, immobilisez-vous et observez tranquillement aux jumelles (ne surtout pas s’approcher ou suivre les animaux).
En restant à distance, vous ne modifierez pas leur comportement et pourrez apprécier de voir leurs petits rituels du matin. Cela est valable également le reste de la journée !

Les Drones

Drone

Drone survolant une montagne en hiver – Crédits photos : pixnio

Les drones font également du bruit et peuvent effrayer la faune sauvage. Ils peuvent générer un stress intense et être perçus comme des prédateurs par certains petits animaux.  Certains rapaces ont des comportements de fuite ou d’attaque lorsque l’appareil s’approche de leur nid Les drones perturbent les activités vitales quotidiennes des animaux (nourrissage, repos, reproduction, etc.) ce qui peut les mettre en danger, surtout en hiver et au printemps. (source : Parc National du Mercantour).

De mon point de vue, le drone en montagne ne devrait être utilisé que par des professionnels dans le cadre de reportages (et avec une connaissance du milieu pour limiter le dérangement : localisation des nids…).
Si vous souhaitez tout de même utiliser votre drone, limitez son utilisation au maximum ! En particulier, éviter les moments clés de la journée pour les animaux (matin et soir), les périodes critiques de dérangement que sont l’hiver et le printemps et bien entendu ne suivez pas les animaux avec votre engin !

Télécharger le guide des précautions édité par la LPO.

4- LES PRECAUTIONS POUR LA NUIT

Nuit étoilé dans le Beaufortain – crédits photos : Simon Pouyet

Il est à présent l’heure de dormir, une certaine appréhension est normale lors des premiers bivouacs.
Pour y remédier, je conseille, pour les premières nuits, de dormir à proximité d’un refuge ou d’une cabane, ce qui permet une introduction douce au bivouac.

La faune sauvage

Sous nos latitudes, il n’y a pas, à ma connaissance, de prédateur de l’homme. Par contre, il n’est pas rare que certains animaux s’approchent de votre tente la nuit, notamment en forêt (le + classique : sangliers et renards).
Je conseille toujours de bien ranger sa nourriture le soir (dans un sac étanche puis dans le sac à dos). S’il est possible de suspendre ce sac à une branche à quelques dizaines de mètres de la tente, c’est bien !
J’ai eu à plusieurs reprises la visite de renards gourmands qui venait dérober mon sac étanche laissé dans l’abside (le fromage est particulièrement apprécié). J’ai parfois même retrouvé mes chaussures à plusieurs dizaines de mètres.
Pour les sangliers, il faut juste prendre son mal en patience, ils viennent retourner la terre pour manger (j’emporte toujours des boules quiès au cas où ce genre de situation dure).


Renard roux au petit matin dans le Parc National de la Vanoise – crédits photos : Matthieu Chambaud

Garder le duvet au sec

Conseil pour les personnes de grande taille ou lorsque la tente est légèrement en pente.
Dans cette configuration, il est courant que vos pieds viennent faire toucher la toile intérieure et la toile extérieure, ce qui a pour conséquence de rendre humide le bout du sac de couchage (par l’eau de la condensation). Ce n’est pas dramatique avec un sac de couchage en synthétique qui va sécher vite et garde une certaine isolation même mouillé. Par contre, si vous avez un sac de couchage en plumes, je vous conseille de mettre votre veste type Gore-Tex sur vos pieds pour protéger votre duvet (un sac plastique ne fonctionne pas car il ne laisse pas respirer votre sac de couchage et mouillera par l’intérieur).

L’orage

Extrait du film documentaire Via Alpina – l’Envers du Chemin

Conduite à tenir si orage imminent

  • Vérifier les sardines et le haubanage, retendre un petit peu si nécessaire.
  • Bien avoir les affaires chaudes protégées contre l’humidité et à proximité
  • Avoir les affaires de pluie à proximité

Conduite à tenir en cas de fortes pluies

  • Vérifier que l’écoulement se fait bien sur les bords
  • Eventuellement rentrer les sacs s’ils sont dans l’abside
  • Si la pluie est très forte et que des gouttelettes transpercent la toile extérieure (ça m’est arrivé avec une MSR Hubba Hubba NX), ou que les ricochets d’eau par le bas sont très importants, votre mission est de conserver le sac de couchage sec tout en maintenant votre température corporelle. Ça veut souvent dire s’habiller avec des affaires chaudes, mettre la veste type Gore-Tex et ranger le sac de couchage dans un sac étanche.

Un orage en montagne est très impressionnant (le bruit résonne fort sur les parois rocheuses), on se sent tout petit mais les risques sont assez limités si on a pris les bonnes précautions au départ.

Rappel des précautions à prendre :

  • Ne pas être le point le plus haut d’une zone
  • Ne pas être dans une cuvette ou une zone d’accumulation des pluies
  • Ne pas être à proximité directe d’un large ruisseau ou d’un torrent
  • Ne pas être sous un pierrier ou d’une zone susceptible de recevoir des chutes de pierres.

Evacuation

Evacuer une zone de bivouac à l’approche ou pendant un orage doit être une option à envisager uniquement si un risque imminent vous menace. Par exemple, vous avez été surpris par un orage alors que vous êtes tout en haut d’un sommet, ou que vous êtes à proximité directe d’une grosse rivière ou torrent etc… Dans ce cas, laissez votre tente, prenez des affaires chaudes et de protection contre la pluie, votre frontale, (+ une couverture de survie et une bougie) et dirigez-vous calmement vers une zone plus sécure (ne courez pas). Prenez soin de conserver votre chaleur, c’est ce qui est le plus important.
Il n’est pas préconisé d’utiliser la couverture de survie avant la fin de l’orage car elle est conductrice, mais elle peut vous être utile pour vous réchauffer une fois les éclairs passés (à combiner avec une bougie chauffe plat).

5- REPARTIR (sans laisser de traces)

L’heure du démontage – Beaufortain – crédits photos : Simon Pouyet

Le matin s’est levé, peut-être avez-vous pu assisté au lever de soleil et vu au loin quelques chamois.
Il est temps de ranger et se préparer à repartir avant que les autres randonneurs n’arrivent.

Astuces pour le démontage des tentes

  • Pour les tentes qui ont une toile extérieure bien séparée de celle intérieure, je conseille de la secouer assez vite le matin (si les conditions sont clémentes) et de la mettre à sécher pendant le petit déjeuner / le démontage. On peut également passer une serviette microfibre.

    Extrait du film documentaire Via Alpina – l’Envers du Chemin

  • Toujours garder au moins une sardine pour tenir la tente jusqu’à son démontage final. Une rafale et ça s’envole facilement (expérience vécue avec des participants étourdis )
  • Compter le nombre de sardines (il n’y a pas de mystère, c’est la seule façon de ne pas en perdre)

Ne pas laisser de traces

Faire un tour sur l’ensemble de la zone de bivouac pour vérifier que rien n’a été oublié.
La seule chose qui devrait être visible est un peu d’herbe couché.

En ce qui concerne les restes de repas (melons, œufs, croutes de fromages, peau de saucisson, restes de pâtes… ), j’entends souvent dire que les animaux pourront les manger. En réalité, il est important de tout rapporter : biodégradable ou non. En montagne la dégradation est beaucoup plus lente qu’en vallée (les massifs sont sous la neige la moitié de l’année et la quantité de bactéries est également beaucoup plus faible). De plus, les animaux peuvent être affaiblis voire empoisonnés par cette nourriture non adaptée (depuis quand les chamois mangent des bananes ?).
Ne pas brûler les emballages mais de la même manière les rapporter en prenant soin de les trier (il pourront être revalorisés).

Source : Parc national du mercantour

6- L’IMPORTANCE DE VOTRE ATTITUDE AU RETOUR

Vous êtes de retour chez vous avec des bivouacs magnifiques plein la tête et vous voulez partager le bonheur ressenti à vos proches et amis sur les réseaux sociaux.

ATTENTION !

Ne soyez pas trop précis sur des messages publics concernant la localisation des sites de bivouac, et pensez à désactiver la géolocalisation des images (sur Instagram notamment).
Dans le cas contraire, une belle photo peut attirer de nombreuses autres personnes et dénaturer le site en quelques semaines. Le milieu montagnard est très fragile et votre super spot n’en sera plus un !

a lire aussi : https://www.nytimes.com/2018/11/29/travel/instagram-geotagging-environment.html https://havingfun.fr/faut-il-partager-ses-spots-sur-les-reseaux-sociaux/

Les réseaux sociaux peuvent aussi être un atout ! Au lieu de mettre votre lieu de localisation, vous pouvez indiquer vos gestes pour préserver le milieu.

Par Ex : #ecobivouac
– je ne me lave pas directement dans les lacs / rivières même avec un savon naturel (je me mets à 70 pas pour faire ma toilette)
– je ramène tous mes déchets (y compris et les déchets organiques tels que bananes, melon)
– j’enterre mes besoins naturels (je fais un trou avec une petite pelle) et je ramène mon PQ (ou je me rince à l’eau), le tout à plus de 70 pas d’un point d’eau.
– PAS de feu (pour préserver les sols)
– je suis discret au bivouac (pas de musique) pour respecter le silence de la montagne et la quiétude des animaux
– je ne divulgue pas sur les réseaux mes lieux de bivouacs pour éviter une concentration trop forte de campeur sur le site
– je prends soin des autres acteurs de la montagne (gardiens de refuge, alpagsistes, bergers), je vérifie auprès d’eux le lieu de bivouac le plus adapté
– je respecte les horaires du bivouac (coucher / lever de soleil assimilé à 19h – 9h).

Imaginez que chacun indique ses propres actions pour sauvegarder la montagne… les réseaux sociaux deviennent alors une source vertueuse de bons comportements (et non une incitation à faire une belle photo ! ).

A VOUS DE JOUER

Si vous êtes arrivé à la fin de cet article, je vous félicite !
Après tous ces conseils parfois techniques, il est temps de se lancer, d’étudier les cartes, lire des topoguides, contacter des professionnels et les offices de tourisme.

Il sera bientôt temps de s’immiscer sur la pointe des pieds dans les montagnes en prenant soin de ceux qui y vivent.
Il sera temps de savourer le silence impérial, la quiétude, l’air frais et le ressourcement qu’elles produisent.
Il sera temps de de s’émerveiller à la vue d’un aigle, de pleurer devant la beauté d’un coucher de soleil et de tenter de compter les étoiles de l’univers.

Je vous souhaite à tous de très bons bivouacs, j’espère que ces petits conseils seront utiles à vos prochaines aventures.

Merci d’avance de m’aider à préserver le milieu, n’hésitez pas sensibiliser des randonneurs qui n’ont pas encore acquis ces gestes simples.
La montagne est un bien commun à préserver.

Bon été à tous !

Matthieu Chambaud

Partir avec Slow Rando

Pour ceux qui n’osent pas encore se lancer, ou qui veulent plus de conseils, j’organise chaque année des formations à l’autonomie en montagne sur le terrain qui ont pour but de donner ce dernier coup de pouce pour que vous vous lanciez sur vos projets. Ca se passe en petits groupes de 5 dans les Alpes du Nord (proximité de Grenoble) avec une conception sur-mesure au projet de chacun avec une base sur : orientation, sécurité, gestion de l’eau & nourriture, optimisation du poids, gestion des intempéries… 

J’organise également des séjours en conscience, itinérants, sous tente de juin à septembre.

Je suis à l’écoute pour toute question ! (ne vous attendez pas à que je vous dévoile les lieux de bivouacs …)

Je vous invite enfin à visionner mon film documentaire Via Alpina – L’Envers du chemin (streaming sur Vimeo) dans lequel j’interview 10 randonneurs itinérants le long d’une longue traversée des Alpes. Un film qui a enfin permis a ma famille de comprendre ce que je vivais là-haut !

POUR POURSUIVRE vos recherches : 
Je vous invite à consulter le site de François Jourjon dans lequel il distille de nombreux conseils pour vos randonnées (en plaine comme en montagne) : www.randonner-malin.com 

Je recommande vivement le livre : ECOBIVOUAC – le manuel pratique de l’outdoor éthique par Marine Menier – Editions Partis Pour . Un ouvrage de référence pour une démarche écologique complète de toutes vos sorties natures. ​

Comments: 4

  • Kerstin Schulz 17 juillet 202220 h 10 min

    Merci pour votre bel article.
    Je le trouve très complet et j’aime beaucoup votre façon d’alerter sur les risques de mauvais comportements.
    Il faut espérer que beaucoup de nouveaux adeptes de randos bivouac lisent votre article avant de partir dans la nature en faisant des dégâts.
    Plus nous seront nombreux à vouloir profiter à fond de l’immersion totale dans la nature, plus nous risquons de détruire ou faire interdire ce que nous aimons.
    Soyons respectueux pour que nos enfants et petits enfants pourront encore profiter de cette liberté incroyable qu’est le bivouac.

  • Gauffenic caroline 21 juillet 202217 h 59 min

    Bonjour Matthieu !
    Bel article et beau travail ! Focalisation sur des points essentiels, conseils pratiques, j’ai beaucoup apprécié !
    Dans “eco bivouac ” que j’ai lu avec intérêt et attention, l’auteur suggère également de repérer les sentes des animaux pour ne pas bivouaquer dessus 🙂
    Depuis je m’entraîne à les repérer.
    Bon ! Perso on a bien des fois planté la tente sur des bauges (?) 🙂
    Amicalement
    Caroline

  • Pingback: Bilan 2022 - L'élan - Slow Rando 9 janvier 202318 h 32 min

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